Alors qu'approche le final de A Travers Chants, Valexplorer a souhaité célébrer les 30 ans du festival par les souvenirs d'un de ses pères fondateurs : Philippe Lebrun. Nous avons évoqué avec lui les prémices de l'événement dédié à la chanson en français, ses anecdotes, mais également son présent et son futur. Condensé d'un entretien exclusif sur trois décennies en musique dans la langue de Molière sur Saint Saulve.
Pour comprendre comment est né A Travers Chants, il faut s'imaginer la dynamique qui existait autour de la MJC de St Saulve dans les années 90. Il n'y avait pas encore d'espace Athéna à l'époque, juste les locaux dans les préfabriqués près du calvaire de la commune, et un bouillon d'énergie en émanait. « Notre force c'était notre côté familial », nous dit Philippe Lebrun.
Celui qui a eu l'idée de créer A Travers Chants nous rappelle des éléments de contexte de l'époque : « pour recevoir des artistes il y a trente ans il n'y avait pas tout ce réseau de salles qu'on a aujourd'hui. Il y avait les théâtres d'Anzin et de Denain, et c'était tout ». Des initiatives ont ouvert la voie, comme à Onnaing qui fut la première commune à organiser un festival qui mettait en avant les chanteurs en français, « une expérience qui n'a pas duré, et quand elle s'est arrêtée nous étions en première ligne ».
Avant d'arriver en tant que successeur du festival de Onnaing, plusieurs étapes ont été décisives. Tout d'abord la MJC de St Saulve s'était déjà bâtie une solide réputation d'organisation de concerts en mettant en avant le genre Bluegrass, « il paraît qu'on en parlait jusque Nashville », nous avait confié Thierry Rungette actuel directeur de l'espace Athéna. Il y eu aussi un concert en hommage à Brassens, qui vu la participation de son propre contrebassiste, « je me revois aller le chercher à la gare avec son instrument dans ma petite voiture », s'en amuse Philippe Lebrun.
L'envie de mettre en avant notre langue en chanson a trouvé un autre écho avec la venue de Romain Didier, « il a joué dans la salle municipale, c'était une vraie première, on avait un artiste d'une classe « au-dessus » », selon Philippe. Que serait un concert sans son public ? C'est ce facteur qui a aussi joué en faveur des organisateurs : « on ne sait toujours pas pourquoi, mais les gens sont venus nombreux, on peut dire que ça a été un élément déclencheur ».
Une suite de rendez-vous musicaux organisés par la MJC dans des lieux de Saint Saulve, et l'initiative de la ville d'Onnaing mentionnée plus haut, ont fait que l'idée d'un festival a germé dans la tête de Philippe Lebrun. C'est ainsi qu'il passa la porte de Michel Bouville, directeur de la MJC au début des années 90. « Et si on faisait un festival de chanson française, je lui ai demandé. J'ai eu un oui, et les 8, 9, et 10 octobre 1992 s'est tenu le premier A Travers Chants avec Romain Didier qui est revenu en tant que parrain ».
Pour la suite de l'histoire, la construction de la salle de l'espace Athéna située sur la place du 8 mai jouera un rôle primordial. « Il nous fallait un lieu pour continuer dans cette dynamique, grâce au travail de Jean-Pierre Olivier (ndlr : à l'époque président de l'association) et de son équipe on a reçu un véritable soutien de la part de la ville qui a financé quasiment entièrement le bâtiment. Les clefs ont été confiées à l'association en charge de la MJC sur le fond et la forme ».
Thomas Fersen vint inaugurer la scène, suivirent Zazie ou Pascal Obispo, « à l'époque leurs cachets étaient abordables, si on les voulait c'était là et pas après ». L'interprète de Lucie, qui fut chantée en live pour la première fois à Saint Saulve, amena A Travers Chants dans une autre dimension avec son concert à guichet fermé.
Le créneau était la mise en avant des talents et la découverte des artistes de la région, et le festival a trouvé son rythme de croisière. Marie-Paule Belle, Diane Tell, Paul Personne, Tété, ou même le duo Brigitte sont venus dans le Nord, et pour les locaux de Loic Lantoine à Sidi Wacho, en passant par les Fatals Picards, ou les Lézard Martien, tous ont également été à l'affiche.
Nous voilà 30 ans plus tard, Romain Didier est revenu à Saint Saulve pour célébrer l'anniversaire, et la MJC peut bénéficier d'un fort réseau local du théâtre d'Anzin au club Léo Lagrange d'Hergnies pour organiser son festival. Philippe siège encore à la commission, à côté d'autres historiques comme Bernadette Fougnies, et se félicite de voir un sang neuf entretenir le mouvement : « je pense notamment à Joëlle Iannicelli qui prend de l'envergure avec son engagement ».
Aujourd'hui A Travers Chants est un festival bien ancré sur son territoire et dans son époque, du rap avec Ben PLG ou le grand final festif de Mes Souliers sont Rouges du 1er avril prouvent sa vitalité.
X.V.
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