La photographie au service de la santé mentale au QuARTier
Avec l'exposition Porteurs de Nuages nous avons assisté à un dialogue. Parfois rompue, certaines fois mal entendue, c'est la parole des personnes souffrantes de problématique en santé mentale qui est renouée grâce aux arts. Le dialogue a aussi été celui des acteurs culturels du territoire, de la FLAC au QuARTier, avec les photographies de Selvia Skierska et Nicolas Delfort qui ont su mettre en lumière les patients du Centre d'Accueil Thérapeutique à Temps Partiel de Fresnes-sur-Escaut. Une combinaison de langages pour parler de ce qui est trop souvent passé sous silence, comme pour ignorer la maladie, qui cette fois-ci a trouvé les bons interlocuteurs pour passer le message du vivre-ensemble.

En 2021, l'infirmière Amélie Hanquez s'interroge sur l'image véhiculée par les patients dont elle s'occupe au sein du Centre d'Accueil Thérapeutique à Temps Partiel de Fresnes-sur-Escaut. « Déstigmatiser leur image » selon elle, et pour ce faire c'est à la photographie qu'elle pense.
Pour chercher des artistes qui travaillent avec l'objectif, Amélie eut l'idée de passer les portes d'un des lieux qui fait le lien entre les créatifs du valenciennois : le tiers-lieu de la FLAC. De là, les membres de l'association basée à Marly ont su fédérer des photographes autour du projet, en l'occurrence Selvia Skierska et Nicolas Delfort. Deux artistes avec chacun sa méthode, et des sensibilités qui allaient dans le même sens avec l'envie de traiter les sujets avec égard. De leur intérieur au CATTP jusqu'aux rues et alentours de Fresnes-sur-Escaut et même jusqu'au château de Bry, c'est une invitation à rentrer dans leur univers, comme pour renouer le contact.
"une porte, ou une fenêtre qui laisse passer un rayon. C'est aussi une métaphore sur l'ouverture au monde "

Installée à Wallers-Arenberg, Selvia Skierska a déplacé son studio jusque Fresnes-sur-Escaut pour aller à la rencontre des patients du CATTP. Une route prise comme une première main tendue, et qui su être saisie par les personnes au centre du projet, « ils m'ont aidé à monter le matériel », dit Selvia pour illustrer les échanges vécus de toutes parts.
La photographe a choisi comme spécialité le portrait, et Porteurs de Nuages est sa première exposition : « un portrait réussi c'est montrer la beauté de la personne », dit-elle comme un credo. Quand on lui demande comment elle définirait l'essence des individus qu'elle capte, il y a une hésitation sur les termes. « Âme, c'est quelque chose qui se dégage », dit-elle dans un premier temps, « charisme, beauté, ce que chacun porte en soi », et enfin elle trouve le mot qu'elle cherchait : « charme, celui qu'on ignore ».
Le travail qu'elle a effectué demande selon Selvia « beaucoup de bienveillance et d'empathie », avec un objectif en tête : que ses modèles rayonnent. C'est que la photographe s'y connaît en lumière, elle qui dit sans détour être grandement influencée par la peinture, une passion qui s'exprime à travers ses compositions dignes héritières de l'art pictural flamand. Qui dit lumière, dit jeu, et les environnement qui y sont propices, « une porte, ou une fenêtre qui laisse passer un rayon. C'est aussi une métaphore sur l'ouverture au monde ».

Nicolas Delfort a réalisé l'autre partie de l'exposition Porteurs de Nuages. On le connaît pour ses réalisations avec Losange Noir, sur des captations d'événementiel et aussi sur du documentaire avec une méthode qu'il défend : celle de montrer la réalité telle qu'elle est, sans angélisme.
C'est fidèle à sa ligne qu'il a saisi les portraits des patients du CATTP. Sous son œil, on se met parfois à la place des modèles en les voyant de dos et donc en regardant dans la même direction, une « forme immersive » selon ses termes, ou c'est le mouvement de leurs déplacements qui raconte leur périple dans le monde. Nicolas raconte ces moments en extérieur comme une « virgule créatrice », dans une grammaire trop figée du quotidien des malades. Des balades « remplies de poésie », où Nicolas n'a pas été qu'un œil, mais aussi une oreille, « on avait des discussions qui ne se seraient peut-être pas déclenchées si on était restés en intérieur ».
Ainsi pour allier l'acte à la parole, le photographe a pris la plume pour figer à la fois les postures et les mots fugaces. Sous ses photographies sont retranscrits ces notes, relues en amont par Amélie qui y a trouvé une authenticité qu'elle côtoie au quotidien. A l'instar de Selvia, Nicolas a joué avec la lumière, pour donner littéralement un coup de projecteur à ceux qui seraient dans l'obscurité de notre société. Autre parallèle avec sa consœur, cette volonté de lier leur art à son ancêtre pictural, « car ces personnes sont mal dépeintes ».
Le nom de l'exposition Porteurs de Nuages au QuARTier fait écho aux gestes des modèles sur les clichés de Selvia Skierska, « où les patients jouent avec quelque chose d'immatériel, de surréaliste, pouvant être le catalyseur des rêves, des maux, des pensées qui s'échappent ».
Un moment de grâce et fugace comme la poésie soulignée par Nicolas Delfort, celle qui marque l'instant comme un cliché tend à saisir le temps. En espérant que cette démarche auprès des patients du CATTP. De Fresnes sur Escaut initiée par Amélie Hanquez marque les esprits comme une photographie se révèle sur le papier, « pour que leur regard posé sur leur image soit positif et différent de leurs pensées, pour les sublimer ».
X.V.
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